Entretien avec ERIC COSTA, par ALICE QUINN
OUVRAGES DE ERIC COSTA
Réalités invisibles, recueil de nouvelles
Ton roman nous fait faire un bond dans l’histoire de 500 ans, puisqu’il nous emporte au cœur de la civilisation aztèque.
Mais là il ne s’agit ni de magnifier cette civilisation, ni de la voir par les yeux du conquérant espagnol, comme on en a souvent l’habitude, tu as choisi –dis moi si je me trompe- de nous faire vivre l’épopée d’une jeune fille, survivante d’un village pillé et massacré par les Aztèques, justement.
1/ Peux tu nous présenter ton roman en quelques phrases? Une sorte de pitch ? Un peu ce que tu as fait au speed-dating…
La série pose la question suivante : une jeune esclave peut-elle faire tomber un Empire ?
L’histoire se déroule au Mexique, et commence juste avant la rencontre entre l’Ancien et le Nouveau Monde.
« Lorsqu’elle retrouve son village en feu et son chien éventré, Ameyal se jure d’exterminer les Aztèques qui les attaquent. Mais son courage et sa volonté ne peuvent rivaliser contre les guerriers.
Elle perd tout, famille, amis, son village est détruit et elle est emportée.
Rabaissée à l’état d’esclave, plongée dans un harem où les intrigues font loi, où sauver sa peau se joue derrière chaque porte, Ameyal doit faire face aux pires injustices, trahisons et humiliations.
Au-delà de ces épreuves, une question s’impose : existe-t-il un cage assez grande pour retenir la fille de l’aigle ? »
NB : mes sources d’inspiration sont autant Epouses et concubines de Su Tong que Conan le barbare de Robert E. Howard. Je sais, c’est un cocktail détonant !
2/ Pourquoi le choix de l’historique ?
Lorsque j’ai écrit mon recueil de nouvelles fantastiques Réalités Invisibles, j’ai été confronté à une réaction étrange des gens : beaucoup considèrent que le fantastique est un sous-genre littéraire alors que de grands écrivains comme Maupassant ou Théophile Gauthier on écrit dans ce genre. Ils ont été agréablement surpris et ont aimé mes histoires, mais je me suis dit qu’une série purement fantastique aurait peut-être du mal à trouver ses lecteurs.
A tord ou à raison, je me suis dit que l’historique était peut-être un genre plus noble, intéressant de par le côté aventures. Et puis je voulais tester autre chose que ce que j’avais fait jusqu’alors, à savoir surnaturel, horreur et fantastique. Je cherche à la fois à développer mes compétences d’auteur et à trouver ce qui fonctionne le mieux pour moi.
3/ D’où est venue ton idée? Pourquoi cette période ? Pourquoi cette région du monde ?
Je voulais écrire une série dans le monde médiéval avec un très subtil soupçon de fantasy, mais différent de Games of thrones.
C’est alors qu’une amie qui étudiait les Aztèques à l’école du Louvre m’a raconté que les villes conquises par les Aztèques devaient payer un tribut à l’empereur Moctezuma. Ça m’a tout de suite donné cette idée de jeune esclave déportée et plongée dans un monde inconnu. Je me suis renseigné sur le monde aztèque : un univers de conquêtes, de croyances, de sacrifices humains avec un haut niveau de connaissance et de philosophie. En outre, c’est à cette époque que se déroule la rencontre entre le Nouveau et l’Ancien Monde, une période de l’histoire tout a fait fascinante et remplie d’évènements épiques que je peux exploiter.
Enfin, cette civilisation étant mal jugée et ayant été totalement supprimée de la carte, il s’agit de leur rendre justice, en quelque sorte.
Le tout dans un pays que j’ai eu l’occasion de découvrir en voyage et dont je suis tombé amoureux de part ses paysages, son climat, sa richesse culturelle et gustative (nous restons français avant tout !).
4/ Ton protagoniste principal est une jeune fille. As-tu des points communs avec elle? Lesquels ?
C’est marrant que tu me poses la question. La plupart de mes protagonistes sont des filles ou des femmes car elles sont plus fragiles physiquement et peut-être plus fines intellectuellement. En tout cas elles ne peuvent se reposer sur leurs gros bras !
Des points communs, bien sûr ; je suis aussi têtu qu’elle ! Plus sérieusement, il y a l’ambition, la persévérance et le courage, même au fond du fond. C’est l’un des messages que je veux véhiculer à travers ce récit : même lorsque rien ne va, gardez vos rêves et vos espoirs. Ne les perdez jamais de vue. Battez-vous pour eux quelques soient les épreuves à traverser ; ils finiront par devenir réalité.
Au début Ameyal est impulsive et se laisse entraîner par ses émotions, au risque de commettre d’énormes erreurs. A la fin du tome 1 elle est déjà plus réfléchie et commence à calculer. Mais il lui reste énormément de choses à apprendre si elle veut assouvir ses ambitions !
5/ S’il y avait un personnage secondaire auquel tu t’identifies, ce serait lequel ?
Ce serait peut-être Chimalli, l’un des gardes du harem. Il a un cœur gros comme ça, mais il a peur. Il est tiraillé entre l’envie d’aider Ameyal, voire de l’aimer, et son ambition personnelle : devenir membre de la garde personnelle du Maître. Je dirais que je suis un Chimalli qui a de moins en moins peur et qui est de plus en plus libre !
6/ Cherches-tu, à travers ce roman, à traiter d’un thème spécial ? à dire quelque chose à ton lecteur ?
Évidemment. La thématique d’un livre est pour moi essentielle. C’est même en partant de la thématique que je construis la série aujourd’hui. Pourquoi ? La thématique est le message qu’un auteur fait passer. Il est illustré par la transformation du protagoniste. Le thème de la série est le pouvoir, qui a toujours été moteur pour l’humanité. Le point de vue sur ce thème sera la réponse aux questions : comment accéder au pouvoir, comment l’exercer et le garder ? Qu’est-ce qui fait un bon dirigeant ? Question au combien d’actualité !
Et la réponse, vous l’aurez en lisant cette histoire…
7/ Quels sont tes recettes pour organiser ta structure de récit?
Pour écrire mon recueil de nouvelles (et mes trois autres romans non publiés), je partais de structures de scénario auxquelles je commence à être à peu près habitué.
Pour Aztèques, j’ai décidé d’aller beaucoup plus loin. J’effectue un travail sur la thématique, et je l’illustre par les transformations que vit l’héroïne à travers le récit. J’utilise la structure du chemin du héros, de Joseph Campbell dans Monomyth (structure notamment utilisée dans Star Wars 4).
8/ Comment qualifierais tu ton style d’écriture ?
J’écris désormais au présent. Cela me force à rester simple et ne me prendre pour Proust.
Je dirais que mon style est simple, efficace et fluide. Je fais beaucoup référence aux cinq sens pour faciliter l’immersion du lecteur.
J’ai pour modèles des écrivains comme Camus, Le Clezio ou Saint Exupéry. Je pense qu’un style simple, contrairement à un style simpliste, demande une grande pratique de l’écriture et une bonne maîtrise de la langue. Lorsque l’histoire me le permet, j’essaye de faire apparaître des touches de poésie et de trouver des associations, des musicalités originales. Parfois, une belle phrase apparaît, comme une rose au sein d’une étendue verte.
C’est le moment où je me fais plaisir, je lis un extrait de ton roman. J’adore lire à voix haute…
Peux-tu coller ici le passage que tu désirerais entendre lu ?
Necahual s’arrête devant un rideau brodé. Une ronde colorée d’enfants et d’oiseaux ressort sur le fond blanc.
— Seconde sœur, voici la nouvelle esclave comme vous avez demandé.
— Fais-la entrer et laisse-nous, répond une voix. Toi aussi, Quinametli.
Le rideau d’entrée s’écarte dans un tintement de clochettes, dévoilant le corps rond d’une femme. Le visage fermé, elle jette un regard froid à Ameyal et lui indique de passer. La jeune fille pénètre dans la pièce et fait le signe d’embrasser la terre :
— Bonjour, seconde sœur.
L’imposante esclave quitte la pièce en soupirant. Ameyal l’entend se plaindre à Necahual, puis les voix s’atténuent à mesure que les deux esclaves s’éloignent dans le couloir. Un parfum de miel flotte dans l’air encore frais du matin. Assise dos à Ameyal, Coatzin scrute la jeune esclave dans un miroir d’obsidienne qu’elle tient dans sa main.
— Lève-toi.
Ameyal s’exécute en gardant les yeux baissés. À ses pieds gisent des jouets de bois ainsi qu’une poupée de chiffon qui tient un petit miroir. Lentement, la seconde épouse s’approche d’elle. Elle porte une robe de plumes vert-pâle disposées comme des écailles. À son cou luit un collier vert translucide.
Des émeraudes.
La jeune fille tressaille. Le bijou lui rappelle l’inconnue qu’elle a croisée lorsqu’elle a volé l’octli.
Un rictus se dessine sur les lèvres de Coatzin, qui s’approche et tourne plusieurs fois autour d’Ameyal. Puis, la seconde sœur pose une main sous le menton de la jeune fille pour lui faire lever le visage. Sa peau est à la fois lisse et froide.
— Quel magnifique regard. Tu vas faire des envieuses !
Ameyal s’éclaircit la gorge. À son tour, elle observe Coatzin. Sa chevelure, attachée en arrière, descend jusqu’à sa taille. Ses yeux saillants surplombent deux profonds cernes striés de ridules, comme une paroi qui commence à se lézarder.
— Inutile de trembler. Personne ne te veut de mal, ici.
Le visage d’Ameyal reste crispé. La seconde épouse se retourne et marche vers la fenêtre en se tenant le ventre. Ameyal se baisse et saisit le petit miroir, qu’elle dissimule sous sa jupe. Parvenue à la fenêtre, Coatzin n’est plus qu’une ombre dans la lumière éclatante.
La jeune fille balaye la pièce d’un bref coup d’œil. Contre les murs de la chambre sont disposés coffres, sièges et meubles bas. Dans un coin s’élève une estrade tapissée de coussins et d’édredons blancs. Le clapotis rythmé des pierres contre les metlals remonte jusqu’à elle, affaibli par la distance et la hauteur de la chambre.
— Belle journée, n’est-ce pas, remarque Coatzin.
— Oui, seconde sœur.
Ameyal plisse les yeux pour discerner les traits de la seconde épouse à contrejour.
— Nous vivons dans un véritable paradis.
Une grimace furtive semble strier le visage de Coatzin, qui s’adosse au rebord de la fenêtre :
— Dommage qu’il soit infesté de vipères.
— Pourquoi m’avez-vous demandée, seconde sœur ?
— Prend la bourse qui se trouve sur le lit.
La voix de la seconde épouse s’est faite sèche. Ameyal gagne l’estrade en contemplant les édredons blancs, vaporeux comme des nuages. Sur les draps soyeux repose un petit sac de cuir qu’elle saisit.
— Ouvre-le, poursuit Coatzin.
La jeune fille s’exécute. La bourse contient cinq fèves de cacao.
— Je veux que tu la portes cette nuit au chef de la garde.
Ameyal sent un frisson la parcourir. Elle repense à la traîtrise de Chimalli, à sa tentative d’évasion avortée et à ce qui en a découlé. Coatzin se rapproche, les sourcils froncés :
— Tu connais Amocualli ?
— C’est lui qui m’a escortée jusqu’au harem.
— Très bien. Ça facilitera ta mission. Il attendra dans la cour extérieure au gong de minuit.
Agitée à l’idée de revoir Amocualli, la jeune fille hésite à faire volte-face et courir dans les escaliers. Mais une pensée la retient. Si Coatzin est bien la femme qui l’a surprise en train de voler l’octli, elle représente une menace qu’elle ne peut ignorer.
— Necahual nous enferme la nuit, finit-t-elle par dire.
Coatzin répond en désignant un crochet de bois sur une table :
— Voici de quoi déverrouiller la trappe.
Ameyal s’approche de l’objet fin et robuste. Elle le soupèse et l’examine. Sans doute plus efficace que la branche utilisée précédemment.
— Dissimule ces deux objets dans ton corsage, et surtout ne les perds pas.
Ameyal s’exécute.
— En échange de cet argent, Amocualli te donnera deux fioles. Tu les apporteras directement ici, sans en perdre une goutte.
— Et si quelqu’un me voit ?
— Il y a peu de chance que cela arrive. Les concubines sont tenues de garder leur chambre durant la nuit. Fais ce qu’il faut pour ne pas être vue.
Un cri s’échappe soudain de la bouche de Coatzin, qui s’affaisse sur le sol. Hésitante, Ameyal fait un pas vers elle.
— Ne t’approche pas !
La jeune fille s’arrête. La seconde épouse tient son ventre en gémissant. Une grimace déforme son visage :
— Il me faut les fioles cette nuit même. Compris ?
— Oui, seconde soeur.
— À présent disparaît. Je ne veux pas que ta présence soulève de questions.
Chassée d’un mouvement de main, Ameyal s’incline et quitte la pièce. Le crochet de bois frotte contre sa peau aux côtés de la bourse et du miroir. La voix de Coatzin retentit lorsqu’elle pose les pieds sur l’escalier :
— Au fait, tu peux garder le miroir de ma fille. Fais-en bon usage.
La jeune fille déglutit.
9/ Pourquoi as-tu choisi l’auto-édition?
J’ai été formé à la dramaturgie par un scénariste qui nous a tout de suite parlé d’Amazon KDP. Je suis donc tombé dedans avant même de me poser la question. Beaucoup m’ont confirmé que les maisons d’éditions ne laissent que très peu de chance aux nouveaux auteurs, ce qui m’a confirmé dans ce choix. En outre, j’aime avoir prise sur le destin de mes livres et je réalise que certains auteurs indépendants sont contactés par de grandes maisons d’éditions. C’est donc une voie porteuse.
10/ Quelles sont tes belles surprises vécues depuis que tu as commencé à t’autoéditer ?
Lorsqu’une ou un inconnu me laisse un commentaire sur Amazon. Je me dis que j’ai réussi à créer une histoire, un univers qui a été visité, aimé par un autre être humain. C’est un acte d’échange, presque d’amour.
En écriture, ma plus belle surprise est arrivée lorsque je rédigeais The prison Experiment, un roman non encore publié. J’écrivais dans un jardin. Je voyais mes personnages évoluer devant moi, et mes doigts avaient du mal à suivre leurs actions. Je ne faisais que retranscrire ce que je voyais, ni plus, ni moins. J’étais connecté. Certains auteurs pensent que nous sommes un canal avec l’univers quand de telles choses se produisent. Ils parlent encore d’inconscient collectif et de Young. J’aime ces idées…
11/ Quel est ton prochain roman? Tes prochains projets?
Ma série Aztèques se structure autour de 7 tomes, peut-être plus, qui correspondent aux grandes étapes de développement d’Ameyal.
La saison 2 comptera 6 épisodes riches en surprises et rebondissements, toujours beaucoup de suspense, l’histoire s’ouvrira et nous découvriront d’autres univers que le harem. Ce tome est prévu vers octobre-novembre de cette année. Ensuite, si tout va bien, je sortirai une saison tous les six mois.
Parallèlement, j’aimerais terminer The Prison Experiment, un récit d’action/aventures moderne de type young adult. J’ai également un roman à quatre mains en cours, qui traite du couple, des rêves, des peurs, des rêves et lâchetés humaines.
12/ le truc de l’écrivain : quel conseil d’écriture donnerais-tu à un jeune auteur ?
L’écriture n’est pas une voie facile. Un roman demande énormément de travail et peut passer de bon à mauvais avec seulement quelques éléments manquant. Ne vous découragez-pas. Faites-vous confiance et faites entendre votre voix. N’hésitez pas à demander des conseils ou à vous former à la dramaturgie. Si le style ne peut être appris avec des leçons, la façon de raconter votre histoire et de captiver votre audience peut l’être. Et bien sûr, lisez tout ce que vous pouvez.
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Extraits de commentaires des lecteurs sur Amazon :
— Une écriture superbe, précise. Aucun temps mort. On voudrait que la pauvre héroïne ait le temps de souffler. Mais elle est le jouet d’un destin cruel qui s’acharne, dans un monde où chacun survit comme il peut. On est plongé dans un récit exotique et violent à la beauté hiératique.
— L’auteur a été à la hauteur de mes espérances dans tous les points qui, à titre personnel, caractérise un bon roman : finesse d’écriture au service d’une histoire tumultueuse, description précise sans tomber dans la lourdeur, un suspens qui nous fait défiler machinalement les pages au point de se surprendre d’être arrivé au bout. Je me languis déjà de retrouver les aventures de la jeune esclave aux yeux d’émeraude.
— Un voyage. Nous voilà loin, ailleurs, autrefois, au coeur d’une civilisation disparue, aussi fascinante qu’effrayante. Dès les premières lignes on est aspiré par l’histoire, et l’auteur nous tient jusqu’au dernier mot, même au delà.
Le style est direct, à la fois simple et précis, le rythme soutenu. Un livre efficace.
On mesure souvent le plaisir d’un roman au regret qu’on éprouve à quitter ses protagonistes: et bien c’est le cas… Alors on attend le prochain comme on se languit de la saison suivante d’une bonne série.
— Quel régal cette saison 1 d’Aztèques ! On est plongé dans l’univers tout au long du récit, on navigue d’intrigues en dénouements inattendus… Je suis passée par toutes les émotions, la petite larme, du haut le coeur au soulagement. Les descriptions sont prenantes. On a qu’une envie c’est connaître la suite des aventures d’Ameyal ! Merci pour ce moment et hâte d’en savoir plus…
Un premier Roman très abouti et bien construit. Le rythme est très soutenu et les aventures s’enchaînent à un rythme palpitant. Un jeune auteur à suivre et qui va faire parler de lui. Vivement le tome 2!