À l’ombre du monde : Chapitre 3 en avant-première

🎊🎉 AVANT-PREMIÈRE 🎉🎊

Chers amis,

Aujourd’hui, pour vous remercier de me suivre, je vous propose de découvrir le premier chapitre de mon nouvel opus qui sortira vendredi 11 décembre. D’autres surprises suivront !

🎊🎉 CHAPITRE 3 🎉🎊

Plage de Myrtos

Après s’être terré un temps infini dans le noir, n’osant remuer un pouce, Ariane est parvenue à se résoudre à marcher. Il fallait qu’elle retourne à l’hôtel. Il fallait qu’elle avance, mais à chaque pas, il lui semblait que quelqu’un ou quelque chose allait la rattraper, la happer dans la pénombre. 

A-t-elle affaire à quelque dégénéré en train de la pister ?

Tout va bien, se ment-elle en faisant quelques pas supplémentaires dans la nuit. Et les souvenirs affluent. Lorsqu’elle était enfant, ses parents l’avaient emmenée dans un village abandonné pour observer des traces d’oiseaux fossilisées. Alors qu’ils dormaient après un pique-nique à l’ombre d’un vieux chêne, Ariane s’était éloignée vers les ruines avec l’idée de les explorer. Se voyant déjà archéologue, elle s’était glissée entre les pierres. Elle adorait avoir l’impression qu’un trésor depuis longtemps oublié l’y attendait. 

Ariane avait traversé un vieux moulin éventré et exploré plusieurs maisons avant d’apercevoir une faille entre d’odorants bouquets de thym et de romarin. Un bruit l’avait interpellée. Qu’allait-elle y trouver ? Un animal, une marmotte ? Un joyau des temps jadis qu’elle pourrait offrir à ses parents ? 

Ce trésor, elle ne le trouva jamais.

Ayant pris soin de dissimuler Pégase, la peluche que lui avait offerte son père pour ses trois ans, elle s’était faite toute petite et était entrée dans la faille, qui allait s’élargissant. Il faisait de plus en plus sombre, et l’air sentait l’humus et le champignon. Elle avait avancé à tâtons, entre les vieilles pierres et les poutres vermoulues, jusqu’à atteindre le fond d’une petite grotte où elle avait été déçue de ne rien trouver. Elle avait alors voulu faire demi-tour, mais sa jambe avait heurté une planche de bois pourrie qui s’était affaissée dans un craquement sinistre. 

En voyant une pluie de terre et de pierres s’abattre devant elle, obscurcissant sa vue et rendant son air irrespirable, Ariane s’était dit qu’elle allait périr étouffée ou écrasée. 

Mais l’éboulement s’était arrêté. Respirant difficilement, elle avait remué ses membres, et avait constaté qu’elle n’avait rien de cassé. Après plusieurs contorsions affolées, en se cognant aux obstacles qui l’entouraient, Ariane avait fini par s’immobiliser en toussant. La petite poche d’air devant son visage devenait de plus en plus chaude et de plus en plus humide. Elle avait compris que le temps lui était compté.

Toujours aucune lumière.

Au-dessus d’elle, une immense maison en ruine qui l’emprisonnait. Ses doigts tâtonnaient, cherchant un élément auquel s’accrocher, mais il lui fallut se résoudre à l’évidence : elle était entourée de terre et de pierres qui lui meurtrissaient les ongles. 

Elle ne pouvait faire demi-tour.

Plongée dans une obscurité de plus en plus étouffante, elle avait commencé à appeler, d’abord de petits cris, puis des hurlements, et enfin des sanglots. Les parois centenaires ne lui avaient renvoyé que l’écho étouffé de sa détresse, et personne n’était apparu. Au bout de plusieurs heures, elle s’était dit que la nuit était sans doute venue, et que ses parents avaient dû rentrer chez eux. Son imagination fertile avait d’abord fait défiler devant elle de monstrueuses araignées, puis toutes sortes de démons, chimères, hydres, titans que les livres de son père lui avaient faits découvrir.

Perdant la notion du temps, Ariane avait cessé de crier, puis s’était peu à peu engourdie. Elle était transie de froid. Ses éraflures la faisaient souffrir. Il lui semblait que deux yeux inconnus étaient fixés sur elle. À plusieurs reprises, elle crut entendre du bruit au-dehors. Elle hurla alors à pleins poumons, en vain.

Après plusieurs heures d’épouvante, un son lui parvint enfin. Puis un autre. Un rai de lumière traversa la pénombre. Le visage plein de terre d’un homme portant un casque brillant apparut. Elle fut extraite des ruines. Il faisait nuit. Son père et sa mère l’attendaient. Les pompiers avaient retrouvé sa trace grâce à Pégase. 

Depuis cette nuit affreuse, le noir profond donne à Ariane l’impression d’une mort imminente. À l’instar de certains enfants, elle ne peut dormir sans une veilleuse allumée sur le seuil de sa chambre.

Elle n’est pas devenue archéologue, mais journaliste.

La nuit ne recèle rien de plus que le jour, se répète-t-elle en traversant le maquis assombri qui la sépare du parc de stationnement. Mais les monstres de son enfance, qui ont depuis longtemps surgi du néant, dansent autour d’elle en se délectant de sa peur. Elle perçoit leurs respirations, leurs grognements, les bruits visqueux de leurs mouvements.

Les muscles crispés, Ariane se force à respirer. La voilà arrivée au parc de stationnement, et rien ni personne ne lui a encore bondi dessus. Elle fait le tour de la Sandero dans l’espoir d’avoir laissé une vitre ouverte, en vain. Elle cherche la piste qui la surplombe, et finit par la retrouver. Une route d’une centaine de mètres à peine. Quelques minutes de marche. Là-haut, la lumière, la vie, et peut-être une voiture…

Les yeux fixés sur le sommet de la côte, Ariane tente d’oublier la sensation d’oppression qui l’étreint et se concentre sur le chemin caillouteux, baigné de la sinistre lueur du firmament. Avide de lumière, elle parvient enfin en haut de la colline, et s’aperçoit que le lampadaire qu’elle espérait tant éclaire à peine quelques mètres d’asphalte. 

Un halo jaunâtre grignoté par les ténèbres. 

Un bruit de vieux moteur la fait tressaillir, et elle prend conscience qu’elle est toujours nue. Le bras droit devant sa poitrine, sa main gauche couvrant son intimité, elle attend, indécise et pétrifiée. Une vieille Toyota, en provenance de la forteresse d’Assos, roule jusqu’à elle et s’arrête. Un inconnu ouvre la portière passager, et un visage la scrute à la faible lueur de la lampe d’habitacle. Peau tannée, cheveux blancs, barbe d’une semaine. 

— Ypárchei próvlima ?

Le ton est affable et compréhensif. Le regard de l’inconnu reste fixé sur les yeux d’Ariane, qui lutte pour ramener les cours de grec de Damien à sa mémoire.

— Heu… Échasa tin kóri mou kai ton ántra mou, balbutie-t-elle, peu sûre d’elle-même.

— Ti ? Kai den écheis roúcha ! Aneveíte.

L’homme déverrouille la portière et un aboiement retentit.

— Fengári, Theé mou, dit-il à son chien.

Il se tourne vers Ariane, une vieille couverture dans les mains. Même si elle n’a pas compris toutes ses paroles, le geste qui les accompagne est limpide. 

— Ça sent un peu, mais c’est toujours mieux que rien, dit-il. 

— Ça fera l’affaire, répond-elle d’une voix tremblante. 

La jeune femme se dit qu’elle aurait pu tomber plus mal. Elle s’entoure de la couverture dont émane une odeur de chien mouillé, monte à bord et scrute une seconde le miroir passager. Ses cheveux bruns n’ont jamais été aussi emmêlés. Des traces de sel maculent son visage et ses larmes n’en finissent pas de couler. 

— Luka, fait l’homme en démarrant. 

— Ariane, répond la jeune femme en s’essuyant les yeux. 

La Toyota cahote en pétaradant, avance sur quelques dizaines de mètres et escalade les lacets conduisant à Divarata, le petit bourg où Ariane et Damien ont élu domicile. Seule une faible fraction de la route apparaît dans la lueur jaune des phares. La jeune femme ferme les yeux, prise de vertige. Comment peut-elle se retrouver dans cette situation ? Il doit s’agir d’un rêve. D’un cauchemar. Elle voudrait ne jamais être venue en Grèce. 

Elle reste un moment silencieuse, en larmes, terrassée, anéantie. 

Les questions ne cessent de la hanter. Que s’est-il passé ? Pourquoi ? Elle scrute de nouveau son reflet dans le miroir. Elle ne peut croire ce qui est arrivé, et pourtant la vérité est là, impossible à nier.

Elle tente de deviner ce qui a pu se passer. Une urgence aurait-elle forcé Damien à rejoindre le village sans la prévenir ? Le cas échéant, pourquoi s’est-il passé de voiture ? Est-elle restée plus longtemps que ce qu’elle pensait dans l’eau ? A-t-il tenté en vain de l’appeler ? Edrielle et lui ont-ils été enlevés ? Emportés par une vague ? Cette hypothèse lui paraît peu probable. Elle se trouvait dans l’eau. S’il y avait eu un problème de la sorte, elle l’aurait senti.  

Un aboiement la fait sursauter. 

—  Fengári, kaló theé !

Luka fronce les sourcils en scrutant le rétroviseur, attaque la dernière côte avant Divarta et se tourne à nouveau vers Ariane. 

— Que s’est-il passé ? Où sont votre fille et votre mari ?

La jeune femme réprime un nouvel accès de larmes. L’idée qu’elle ait pu les perdre, exprimée par la bouche d’un autre, paraît encore plus tangible. Elle essuie ses yeux dans la couverture avant de reculer le visage, écœurée par l’odeur et les poils qui restent collés à sa peau.

— Je ne sais pas, répond-elle, haletante. Je suis allée nager. Quand je suis sortie de l’eau, ils n’étaient plus là. Je suis remontée au parking. Notre voiture de location y était encore, mais j’ai perdu mon sac à main et les clés. 

La vieille Toyota pénètre dans Divarta, qui déploie autour d’eux ses maisons colorées, ses terrasses bariolées et, comme si la vie cherchait sans cesse son contraste, une image d’Edrielle et de Damien, tous deux égorgés sur le sable, se superpose au champ de vision d’Ariane. Le rouge de leur sang l’aveugle. 

Pourquoi ont-ils disparu ? 

Pourquoi ici, pendant les vacances tant attendues ? Pourquoi eux ? La jeune femme tente de repousser cette horrible vision pour ne pas défaillir. 

L’hôtel. Ils ont dû retourner à l’hôtel. 

Bien qu’ils soient arrivés le jour même, elle a l’impression de pénétrer dans un village nouveau et inconnu. Lorsqu’ils l’avaient quitté vers 16 heures, il faisait dans les 28 degrés, et les rues étaient désertes. À présent, l’heure est à l’effervescence. Une marée humaine se déverse en tous sens, et toutes sortes de chansons s’échappent des terrasses bondées, se mêlant dans un vacarme assourdissant aux cris et discussions des passants. Des enfants courent en riant. Des bruits de klaxon retentissent. Des vendeurs de koulouris hurlent à pleins poumons, tandis qu’un serveur interpelle un touriste parti sans payer. Un couple d’amoureux se presse l’un contre l’autre. Un parfum de myrte plane dans l’air nocturne. 

La Toyota zigzague entre des voitures dont les occupants sont penchés à leur fenêtre pour discuter. Elle s’arrête dans le rond-point situé à proximité de la place centrale du village. Ariane aperçoit le vendeur de glaces où elle pensait emmener Edrielle, de retour au village, et un froid la transperce. 

— Ça ira, ici ?

— C’est parfait, dit-elle d’une voix tremblante. Mon hôtel se trouve juste à côté. 

— Vous êtes sûre que vous ne voulez pas un coup de main ? 

— Je vous remercie, je me débrouillerai. 

— Gardez la couverture. J’en ai d’autres. 

Ariane plonge ses yeux dans ceux du conducteur.

— Merci. Vous avez été chic. 

— J’espère que vous les retrouverez. 

La jeune femme prend la direction de l’Hôtel Myrtos à pas pressés, sous les yeux offusqués des touristes. Elle grimpe les marches du perron et sonne à la réception, oscillant entre espoir et abattement. Une minute passe, infinie. Une vieille femme finit par arriver, visiblement mécontente d’être dérangée un samedi soir à minuit. Soulagée de constater qu’il s’agit de la gérante, qui les a accueillis dans l’après-midi, Ariane prend le comptoir d’assaut. Son interlocutrice esquisse un mouvement de recul qu’elle met sur le compte de l’odeur qui l’environne. 

— Quelqu’un est venu récupérer la clé de la 13 ?

— Personne, madame. 

La jeune femme incline la tête et saisit la clé qu’on lui tend. 

— Avez-vous vu passer ma fille et mon mari ? 

— De qui parlez-vous ?

Ariane prend l’escalier en se demandant si elle a bien entendu. Une fois devant sa chambre, elle approche la clé de la serrure d’une main tremblante. Son cœur bat à tout rompre. Se décidant enfin à entrer, elle suspend sa respiration.

Personne. 

En pénétrant dans sa chambre, Ariane a l’impression de franchir le seuil d’un monde imaginaire et inconnu. Elle se rue sur l’armoire, ouvre les tiroirs, puis la porte de la salle de bain. Elle jette un œil sous le lit et reste tétanisée. 

Aucune affaire de sa fille ni de son mari. Plus rien. Rien qu’une table de nuit surmontée de quelques billets changés à l’aéroport et des documents de location de voiture, un lit double, ainsi qu’un lit simple dans un coin de la pièce, tous deux affreusement, désespérément vides. 

Il y avait pourtant la valise de Damien, le sac à dos d’Edrielle !

Une nausée la saisit, accompagnée d’un nouveau vertige. Elle s’appuie au mur pour ne pas tomber. 

— Qu’avez vous voulu dire par « de qui parlez-vous » ? questionne-t-elle, de retour à la réception. 

— Que je ne sais pas de qui vous parlez.

— Comment ça ? 

La gérante semble s’impatienter.

— Lorsque vous êtes venue récupérer les clés, vous étiez seule, comme maintenant.

— C’est une plaisanterie ?

— J’ai l’air de plaisanter ? 

Ariane porte une main à son front trempé de sueur, et tente de percer le brouillard qui obscurcit son cerveau. Lorsqu’ils sont arrivés, ils ont tous trois gagné la réception pour récupérer les clés, et ont présenté leurs passeports à la gérante pour l’enregistrement. Ils sont ensuite montés déposer leurs affaires, et sont redescendus directement.

— Pourrais-je voir le registre des réservations ?

— Si vous voulez.

La gérante sort un grand cahier du comptoir, et fait défiler les pages jusqu’au 12 mars.

— Voyez ? 

La jeune femme scrute les éléments ayant trait à son séjour sans comprendre. Effectivement, il n’est nullement fait mention de la présence d’Edrielle ni de Damien.

— C’est le seul document que vous avez ? demande-t-elle en sentant son pouls s’accélérer.

— On n’a que ça, répond la femme d’une voix sèche.

Ariane la scrute quelques instants avec incrédulité, et se concentre pour formuler sa phrase. 

— Mais enfin, c’était bien vous qui nous avez accueillis. Comment pouvez-vous soutenir que vous ne les avez pas vus ?

— Je n’ai vu que vous, madame. 

La jeune femme porte ses mains à son visage dans un soupir consterné, et scrute l’escalier de bois qui s’élève face au comptoir avec terreur. 

— Vous avez des caméras de surveillance ?

La réceptionniste esquisse un sourire en coin.

— À Divarata, madame ? Nous n’en avons ni le besoin ni les moyens. 

Le visage déformé par la peur et l’incompréhension, Ariane recule sur le parquet grinçant. L’irréalité de la nuit qu’elle est en train de vivre la saisit à la gorge. Quatre heures plus tôt, elle se tenait paisiblement sur l’une des plus belles plages de Grèce, avec sa fille chérie et son mari adoré. Leurs vacances venaient de commencer. À présent, la voilà catapultée dans son pire cauchemar, dans une chambre étroite, bruyante, étouffante, entourée d’inconnus, sans savoir que faire ni où aller. Où pourrait-elle se rendre, dans tous les cas, sans pièce d’identité ? 

Elle se sent suffoquer. 

La voilà totalement piégée. 

À L’OMBRE DU MONDE :

« Une île grecque, un peu avant minuit

Ariane, sa fille et son mari se retrouvent enfin seuls sur la plage féerique de Myrtos. Lorsque la jeune historienne sort de l’eau, et qu’elle cherche les siens en vain, elle croit d’abord à une mauvaise plaisanterie. Mais quand toutes les preuves attestent qu’elle a voyagé seule et n’a jamais eu ni enfant ni mari, il ne reste que deux explications possibles.Soit elle a rêvé sa vie, soit on la lui a effacée.


À moins de trois cents kilomètres de là, un homme accède à la plus haute fonction d’une Confrérie occulte. Il va enfin pouvoir se venger… »
​​​​​​​

NDLR : histoire en deux tomes :
— le T1 sortira le vendredi 11 décembre,
​​​​​​​— le T2 en janvier/février, le temps de le lustrer encore un peu…

On se retrouve bientôt pour partir loin 😉 

En attendant, prenez soin de vous.

#thriller #policier #suspense #mystere #societesecrete

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