La tache de Philip Roth

Portrait d’une Amérique sans filtre par Philip Roth.

Un portrait brossé à travers Coleman Silk, un professeur d’université juif et noir à la peau claire, âgé de soixante et onze ans, accusé à tort de racisme puis à qui l’on reproche d’entretenir une relation avec une femme de trente-quatre ans, illettrée et agent d’entretien.

De quoi faire tache dans la bonne conscience américaine, dans laquelle « il reste des gens, des péquenots comme des universitaires, qui n’auront jamais le bon goût de renoncer à leurs vieilles valeurs pour se mettre au pas de la révolution sexuelle. Des pratiquants étriqués, des maniaques des convenances. »

L’existence de Coleman, son destin et les êtres gravitant autour de lui ont valeur d’illustration, rapportée par une présence omnisciente, jugeant ci et là les personnages. Pour ce faire, Philip Roth se crée un double, Nathan Zuckerman, qu’il n’épargne pas d’impuissance sexuelle ni d’un cancer de la prostate…

Jouant sur le présent, revenant au passé pour conter la jeunesse de Coleman, multipliant les regards, de narrateur en narrateur, creusant de plus en plus, Philip Roth passe en revue l’enlisement de la guerre du Vietnam et ses horreurs, la pêche à la ligne sur les lacs glacés, les arcanes de l’art noble (jab, droite, gauche, crochet et uppercut), la bouffonnerie du hasard, les cuistreries philologiques, bibliographiques et archéologiques des universitaires, jusqu’au scandale éclaboussant la Maison Blanche, émue et excitée par la turlutte du président Clinton par la stagiaire Monica Lewinsky, qui se comportent comme « deux ados dans un parking »…
Une écriture riche et foisonnante, l’épaisseur du vécu, ou les descriptions psychanalytiques se mêlent au jargon populaire… en un mot, liberté, mais une liberté obtenue à travers le mensonge, la liberté au nom de laquelle on sacrifie tout, de ses parents à ses enfants, et que l’on paiera même après sa mort.
Mais c’est aussi la liberté de l’écriture, un livre donc je comprends aujourd’hui l’impact, un livre qui peut, par son exemple, permettre aux auteurs de repousser leurs limites.

Des passages puissants où l’on est emportés, le dernier chapitre, tout simplement sublime, aucun mot en trop. Tableau final : cette tache, cette empreinte noire sur fond blanc, cet homme, cette noirceur presque poétique, au sein de cette nature blanche, pure et enneigée.

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