🎊🎉 AVANT-PREMIÈRE 🎉🎊
Chers amis,
J’espère que vous allez bien.
Aujourd’hui, je vous propose de découvrir le deuxième chapitre de À l’ombre du monde : Livre II, qui sortira vendredi 5 février et clôturera ce diptyque.
En vous souhaitant une belle lecture !

🎊🎉 CHAPITRE 2 🎉🎊
Au même instant, à Athènes
— Que fais-tu ici ? interroge Dimpoulos, les yeux écarquillés.
— J’ai essayé de vous contacter pour sortir, je…
— Silence, interrompt-il en se levant d’un bond.
Il traverse la bibliothèque, inspecte le couloir par lequel la jeune fille est arrivée et ferme la porte derrière elle.
— Imprudente. As-tu seulement conscience des risques que tu as pris en venant ici ?
Edrielle fixe son interlocuteur en silence, le visage tremblant. Épuisée, apeurée, elle est sur le point de défaillir. Des larmes montent à ses yeux. Dimopoulos approche son fauteuil d’elle et la soutient juste avant qu’elle ne s’effondre. Il l’aide à s’asseoir.
— Comment te sens-tu ?
— Épuisée, répond-elle en essuyant ses larmes dans sa manche.
Il lui tend un mouchoir de soie. Elle se mouche et lève les yeux vers lui. Debout, immobile, il scrute la pénombre de la bibliothèque, de laquelle émerge une mappemonde parcheminée, parcourue d’arcs, d’inscriptions et de formules mathématiques, entourée de cercle gradués, en bois.
— Qu’est-ce que c’est ? demande la jeune fille.
— L’un des vingt-deux globes de Mercator qui existent encore de nos jours. Une pièce rarissime.
Edrielle se lève et fait quelques pas vers le précieux objet, qu’elle contemple avec admiration sous le regard ébahi du prêtre.
— Elle est où, maman ? demande-t-elle en pointant la Grèce.
Dimopoulos ne répond pas.
— Comment es-tu sortie de ta chambre ?
Edrielle lui narre son périple, depuis le papier déchiré apporté à Alessio, jusqu’au domestique qui l’a guidée malgré lui, en passant par les oreillers dissimulés sous sa couette.
L’homme se pétrifie.
— Qu’y a-t-il ?
— Il y a que je te trouve sacrément courageuse, ma petite.
Il porte la main à son front et ferme les yeux dans un grand soupir, en proie à une intense réflexion. Edrielle l’entend murmurer quelque chose comme « désastre… Ordre réduit à des kidnappeurs et des voleurs… »
Elle ne comprend rien du tout.
— Qu’est-ce que vous dites ?
Dimopoulos ouvre les yeux d’un coup, comme s’il avait oublié sa présence.
— Rien. Je…
Un sentiment d’incompréhension et de colère empourpre les jours d’Edrielle.
— C’est pas bientôt fini, tous ces mystères ?
Elle essuie ses larmes, et, sans ciller :
— Dites-moi si Annabelle et Rosa ont été envoyées ici par leurs parents ou si elles ont été kidnappées !
Dimopoulos détourne les yeux, à la recherche d’une réponse qu’il ne trouve pas.
— Dites-le-moi, ou je me mets à hurler. Je raconterai à tout le monde que vous êtes venu me voir la nuit et que vous m’avez…
— OK, OK, interrompt le prêtre, le regard craintif.
Il la fixe quelques instants, à la recherche de ses mots, le visage vibrant d’émotion.
— Elles ont été enlevées à leurs parents, dit-il. Et…
Il paraît hésiter sur la suite.
— Et toi aussi.
Edrielle déglutit.
— Je le savais, répond-elle d’une voix étranglée. Même si on a essayé de me faire croire le contraire, je l’ai toujours su.
L’homme avance la main vers son épaule. Elle recule, farouche.
— Je vais te faire sortir d’ici, déclare-t-il.
Elle le contemple avec un mélange d’incrédulité et de méfiance.
— Maintenant ?
— Maintenant, c’est impossible. Mais très vite. Je te le promets.
Il ment. Il me dit ça pour m’empêcher de crier.
— Pourquoi est-ce que je devrais vous croire ? demande-t-elle, partagée entre crainte et espoir.
— Ton grand-père était l’un de mes meilleurs amis. C’était quelqu’un que j’appréciais beaucoup. Je veux faire ça pour lui.
Edrielle plisse les yeux. Les mains de son interlocuteur se sont mises à trembler. Il paraît bouleversé. S’il est venu lui-même lui proposer son aide, elle ne comprend toujours pas pourquoi il n’a pas répondu à son appel.
— Vous m’aviez déjà dit qu’avec le papier…
— J’avais à peine eu le temps d’esquisser un plan, interrompt-il. Désormais, j’ai trouvé comment faire.
Il s’agenouille devant elle de manière à ce que leurs yeux soient à la même hauteur. Elle sent son parfum boisé. Il a l’air sincère. Son regard exprime une véritable bienveillance, ainsi qu’une profonde tristesse.
— Je suis profondément désolé pour ce qui t’arrive.
Elle lève les yeux au ciel.
— La Confrérie existe depuis des temps immémoriaux, confie-t-il à voix basse, le regard perdu dans la pénombre de la bibliothèque. Bien que secrète, elle a toujours observé des règles strictes de moralité. Mais les choses ont changé de manière dramatique il y a peu. Elle a eu recours à des pratiques graves et condamnables. Je fais ce que je peux pour éviter que les choses ne tournent à la catastrophe, mais je ne suis pas vraiment aux manettes. Je ne peux rien te dire de plus, mais je pense que tu comprendras, un jour…
Elle hoche la tête, toujours silencieuse.
— Puis-je te ramener dans ta chambre, maintenant ?
— Quoi ? Je ne veux pas y retourner ! Je…
— Il le faut. Si tu cherches à partir maintenant, tu vas te faire prendre, et moi aussi. L’endroit est dangereux. Nous sommes tous placés sous étroite surveillance. Tu dois me laisser le temps de tout organiser !
— Je reverrai ma maman ? Et mon papa ?
Il hoche la tête d’un air grave. Son front luit de sueur.
— Tu les reverras, je te le promets, répond-il d’une voix agitée. En attendant, j’ai besoin que tu fasses comme si rien ne s’était passé. Surtout, pas un mot aux autres filles ni à Léna. C’est compris ?
Elle hoche la tête.
— Promis. Mais qu’est-ce qui va arriver à Annabelle et Rosa ?
L’homme observe un silence, comme s’il se recueillait ou conversait avec les esprits qui hantent les lieux. Il retire ses lunettes et les nettoie d’un geste mécanique.
— Malheureusement, je ne peux sauver qu’une seule d’entre vous.
— Pourquoi moi, en ce cas ?
— Pour deux raisons : d’abord, parce que tu es venue me trouver. Ensuite car comme je t’ai dit, ton grand-père était un ami très proche.
Edrielle hoche la tête, satisfaite de la réponse, même si elle aurait préféré partir tout de suite, avec ses deux nouvelles amies.
— On enverra quelqu’un les chercher une fois que je serai avec mes parents ?
Dimopoulos plisse les yeux.
— On essaiera. Oui.
— Mais comment je vais rentrer dans ma chambre ?
Plongeant la main dans la poche de son pantalon, le prêtre sort un lourd trousseau de clés. Edrielle le contemple avec un soulagement sans borne. Ouvrant la porte, il inspecte le couloir, toujours vide, et prend la jeune fille dans ses bras pour la remonter dans sa chambre.
*
Après avoir fermé le verrou de la chambre d’Edrielle, Dimopoulos est obligé de s’appuyer au mur pour ne pas flancher. Que suis-je en train de faire ? Il lui faut quelques secondes avant de pouvoir retourner dans sa chambre, qu’il verrouille derrière lui.
Une heure du matin sonne.
À qui pourrais-je la confier ? Il passe en revue les diverses possibilités s’offrant à lui. D’abord, Ariane Mantis, sa mère. Mais il ne peut absolument pas compter sur elle. Elle ne peut avoir conscience des enjeux dont il est question. En outre, il ignore où elle se trouve. Sans oublier qu’elle est traquée par Alpha. L’autre idée qui lui vient est une personne qu’il n’a pas vue depuis très longtemps, mais qui maîtrise les tenants et aboutissants de la situation qu’ils traversent et saura certainement ce qu’il faut faire. Traquée depuis des décennies par la Confrérie, personne ne sait ce que cette femme est devenue, ni où elle se trouve… à part lui. Alessio et lui-même l’ont cherchée activement durant des années avant de la retrouver par hasard.
Bien entendu, ils ont soigneusement gardé le secret au cas où il leur serait utile un jour.
Ne voyant aucune autre solution, Dimopoulos se force à réfléchir sur ce qu’un tel choix impliquerait. La personne à qui il songe ne porte pas le Grand prêtre en estime, et serait à coup sûr ravie de faire du tort à la Confrérie. Mais il s’agit d’un électron libre. Une fois en possession d’Edrielle, elle risque de dénoncer tous les frères et de causer à l’Ordre d’irrémédiables dommages. Mais qu’est devenu l’Ordre, au juste, depuis qu’il est mené par Lucas Stathatos, qui a grimpé la hiérarchie déguisée en brebis, avant de dévoiler sa gueule de loup, et qui détourne les 147 maximes delphiques de leur sens premier pour justifier ses actions immorales ? Quel est le mieux : que certains agissements soient dénoncés, ou qu’un César fasse de la Confrérie un organe de pouvoir secret dévastateur ?
Le prêtre oratoire comprend qu’il n’a pas le choix, même s’il peut payer de sa vie ce qu’il s’apprête à faire.
Il sort un petit carnet qu’il feuillette d’une main tremblante jusqu’à retrouver le numéro désiré, savamment codé. Un froid le traverse à l’idée de ce qu’il s’apprête à faire. Il ne pensait pas en arriver là. Il ne pensait pas qu’il aurait le courage de la contacter un jour, mais le voilà acculé. Il ne peut se fier à son téléphone personnel, qui a peut-être été trafiqué à son insu, ni à celui qui leur a été donné par le Grand conseil, qui a peut-être été équipé d’un mouchard, même si Alessio l’a examiné sans rien trouver. Il lui faut utiliser son troisième téléphone, un téléphone jetable, à l’extérieur, au cas où le palais – et son appartement privé en particulier – aurait été équipé d’un système d’écoute à son insu.
Il quitte son appartement, descend l’escalier et gagne le jardin en saluant au passage un agent en faction.
— Toujours ces fichues insomnies, monsieur Dimopoulos ?
— Toujours. Morphée semble décidément me bouder.
La nuit sombre, sans étoiles, accentue son sentiment d’emprisonnement. Il attend de s’être suffisamment éloigné pour pianoter le numéro d’une main tremblante.
Première tonalité. Deuxième. Troisième. Son pouls s’accélère. Répondez !
Bruit de froissement à l’autre bout du combiné.
— Allô ? fait une voix ensommeillée.
Dimopoulos jette un œil derrière lui, en direction du palais. Personne. Son cœur bat la chamade. Ses mains sont si moites que le téléphone glisse entre ses doigts. Il peut encore raccrocher, oublier tout cela… mais Edrielle, que lui arrivera-t-il ?
— C’est… c’est moi, bredouille-t-il.
— Qui ça, moi ? questionne la voix sur un ton méfiant.
— Pas de nom, s’il vous plaît.
Un long silence suit sa déclaration. Dimopoulos, qui espérait qu’elle le reconnaîtrait au son de sa voix, se surprend de sa propre naïveté. Depuis combien de temps ne l’a-t-elle pas entendu ? Comment lui faire comprendre son identité sans se dévoiler sur la ligne ?
— Je vois qui vous êtes, finit par déclarer son interlocutrice.
Un intense soulagement gagne Dimopoulos, qui respire à nouveau.
— Que voulez-vous ?
— Me racheter.
— Vous racheter ? Il est un peu tard pour cela.
— Je sais.
Nouveau silence.
— Un trésor très précieux se trouve avec vous, n’est-ce pas ?
— Oui.
Comment a-t-elle deviné ?
— Je l’avais prévu.
— Je n’en doute pas, fait-il en essuyant son front dégoulinant de sueur.
Il scrute le palais, où une fenêtre s’est allumée, et s’éloigne dans la pénombre d’un cyprès, à la recherche de ses mots.
— Comment va-t-elle ? demande son interlocutrice.
— Elle est en pleine forme. Apeurée, mais en forme.
— La brave petite…
— Je ne voulais pas. Lorsqu’ils ont monté cette histoire de kidnapping, je…
— Vos regrets ne répareront pas le passé, interrompt la femme sur un ton péremptoire.
Dimopoulos sent un intense sentiment de colère et de frustration l’envahir. Il voudrait lui dire qu’il n’a jamais voulu que la Confrérie en arrive là. Que Maurice Oneiro lui manque cruellement depuis trente ans. Qu’il a failli tout quitter, mais a choisi de rester pour tenter de calmer les choses et peser de tout le poids de sa fonction pour éviter que de graves erreurs ne soient commises !
Mais il ne parvient pas à le lui dire. Ses mots ne peuvent franchir la barrière de ses lèvres.
— Pourquoi cet appel ? Qu’attendez-vous de moi ? interroge la voix au bout d’un moment.
— Je voudrais qu’elle vous soit confiée. Les autres récipiendaires potentiels sont trop menacés.
— Emmenez-la-moi tout de suite.
Surpris par une si vive réaction, le prêtre lève la main, comme si son interlocutrice se trouvait avec lui.
— Il faut nous montrer prudents. Si je vous l’emmène et que les choses tournent mal pour la Confrérie, je veux être certain de pouvoir compter sur vous…
— Vous avez ma parole, Alexander, répond la femme. Vous serez épargné.
Dimopoulos sait que son interlocutrice n’a qu’une parole. Il a eu l’occasion de le constater à de nombreuses reprises par le passé.
— Je suis en train d’échafauder un plan, reprend-il, encouragé.
— Faites vite. Il reste moins de…
— Moins de deux jours. Je sais. Mais nous n’avons pas encore le troisième pilier.
— Vous allez le trouver, même si j’ignore comment. La dernière prophétie est formelle. Raison pour laquelle il faut que vous permettiez à la jeune fille de s’enfuir.
Le ton de la femme est sans appel, et il croit en ses paroles. Il sent bien qu’il a affaire à une âpre négociatrice.
— Peut-être y aura-t-il une condition supplémentaire.
— Laquelle ?
— Nous verrons le moment venu. Je vous recontacterai.
Dimopoulos raccroche, laisse tomber son téléphone jetable sur le sol et le broie sous son mocassin en s’assurant de la destruction de la carte sim. Puis il fait le tour du bâtiment et gagne le local à ordures, avant d’y dissimuler les restes de l’appareil, qu’il prend soin de répartir dans plusieurs conteneurs. Il revient ensuite sur ses pas, et longe une allée en direction de l’Acropole, perchée au-dessus de lui, faisant le vide en lui pour se remettre de ses émotions.
Je l’ai fait. Et je paierai peut-être ce geste de ma vie.
Tel est le sort réservé aux traîtres par la Confrérie.
Perchée au-dessus du Parthénon, une demi-lune filtre derrière les nuages, prêtant aux pierres ancestrales la couleur de l’or.
FIN DU CHAPITRE 2
Si vous ne connaissez pas le Livre I et souhaitez tenter tenter l’aventure, cliquez sur la couverture en-dessous :
Que feriez-vous si votre vie entière avait été effacée ?
« Une île grecque, un peu avant minuit
Ariane, sa fille et son mari se retrouvent enfin seuls sur la plage féerique de Myrtos. Lorsque la jeune historienne sort de l’eau, et qu’elle cherche les siens en vain, elle croit d’abord à une mauvaise plaisanterie. Mais quand toutes les preuves attestent qu’elle a voyagé seule et n’a jamais eu ni enfant ni mari, il ne reste que deux explications possibles.
Soit elle a rêvé sa vie, soit on la lui a effacée.
À moins de trois cents kilomètres de là, un homme accède à la plus haute fonction d’une Confrérie occulte. Il va enfin pouvoir se venger… »
Si vous aimez les héroïnes qui s’ignorent, les thrillers internationaux, les mystères archéologiques et le parfum sulfureux des sociétés secrètes, ce livre est pour vous.
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