« La terre humide pénètre toutes les fibres de son être. Incapable de se réchauffer, elle se lève en s’appuyant au mur. Elle frictionne son corps tremblant et chancelle le long de la paroi froide qui l’emprisonne. Parvenue à une autre paroi, son front heurte une pierre dans un bruit sec. Elle attend que la douleur s’estompe et poursuit son errance.
À chaque tour de cachot, Ameyal compte ses pas et baisse la tête pour ne pas heurter le plafond à demi effondré. Dans son crâne résonnent les échos des menaces et des douleurs passées. Les questions sans réponse, les cris, les coups, son visage enfoui de plus en plus loin dans le feu aux piments se superposent au visage menaçant et triomphateur de Coatzin.
Des bruits s’élèvent alors.
Ameyal sent son ventre se serrer. Elle se réfugie le plus loin possible des raclements entrecoupés de gémissements sourds qui retentissent. Deux pierres se percutent dans un son dur. La lueur d’une torche traverse les paupières closes de la jeune fille, faisant ressortir une tache brune, évanescente, devant ses yeux »
Vous venez de lire un extrait d’Aztèques 1 : Harem, Épisode 4 : « Celles que l’on a oubliées ».
Il y a quelques jours, Donatien Sade, artiste musicien et ami, me contactait pour me demander s’il pouvait emprunter l’un de mes titres d’épisode d’Aztèques pour l’une de ses chansons.
Donatien aime enregistrer des sons provenant de son entourage. Donnez-lui des verres en cristal vides ou remplis de vin, des assiettes ébréchées, des couverts en argent, un candélabre, un drap de satin blanc, il va jouer avec les sons, mêler les objets, les entrechoquer, tapoter ou caresser leur surface, les exploiter pour en faire de la musique.
C’est avec joie que j’ai accepté sa proposition.
Celles que l’on a oubliées :
Plongées au plus profond d’une prison Aztèque inhumaine, dans des cellules exigües, humides, ignorées du soleil et de la lumière, des femmes tentent de survivre. La plupart d’entre elles ont essayé de se donner la mort. Certaines ont réussi, d’autre ont échoué, et l’on a retiré le semblant de mobilier qui s’offrait à elles pour que cela ne se reproduise plus.
Au fil du temps, certaines prisonnières sont devenues folles. D’autres, déjà perdues, sont devenues dangereuses, imprévisibles, voire meurtrières.
Un jour, l’une d’entre elles, qui avait été belle, jeune et favorite, perdit le peu d’humanité qui lui restait. Ce jour là, elle sauta à la gorge de son bourreau, lui arrachant la pomme d’Adam.
Particulièrement dangereuse, elle s’était grignoté le bras pour se délivrer de la chaîne qui l’attachait au mur.
Elle parvint à ramper jusqu’au palais du Maître, dans lequel elle s’introduisit avec son moignon sanguinolent. Elle clopina jusqu’à sa chambre, trainant une jambe à moitié morte derrière elle, en respirant avec bruit et en grognant.
Penchée sur le Maître, elle le regarda dormir. Lui, dont elle avait été la Maîtresse. Lui qui régnait sur toutes les femmes, gardes et conseillers, palais et harem.
Elle approcha la seule main valide qui lui restait de l’œil du Maître et y planta ses doigts. Elle tira, tira si fort, si bien que le Maître se mit à hurler.
La dernière chose qu’elle ressentit fut une lame qui lui transperça le ventre, par derrière, avant que deux lances ne lui perforent les seins et qu’elle se retrouve clouée en l’air, recouverte d’urine séchée, de déjections, de sang et de terre, de restes de ses maigres repas et des miasmes de son cachot.
Le Maître se redressa et elle lui sourit de toutes les dents jaunes et noires qui lui restaient. Elle lui sourit, à lui son ancien amant, à lui son ancien amour, juste avant qu’il ne lui ouvrît le ventre en deux.
Ses entrailles se vidèrent et son cœur tomba sur le sol, palpitant, rouge et noir comme la prison.
Elle eut juste le temps de se dire que le cœur d’une favorite, même une favorite du passé, doit rester auprès de son Maître.
Son visage s’affaissa et elle s’effondra.
Depuis lors, le lieu maudit, que l’on désigne par la phrase Celles que l’on a oubliées, fait frissonner dans les couloirs du harem. Cette menace pire que la mort plane sur chacune des jeunes et belles femmes qui ne respecterait pas les Neufs Lois du harem.
Entrez dans la folie de ces femmes, parcourez les méandres de leurs esprits à travers la musique de Donatien Sade : Celles que l’on a oubliées.
PS : si vous souhaitez en savoir plus sur Donatien Sade, c’est par ici : https://www.donatiensade.com/
Et pour découvrir l’histoire en entier, c’est par ici 😉