Les cris vus par un gardien

Les cris :

Cet article de blog parle du bruit dans les prisons, une vraie torture.

« C’est le plus effrayant en prison. Le soir dans l’alignements de portes, tu marches dans la coursive et tu entends des cries si strident que l’on pense qu’une personne se fait égorger. C’est affreux paralysant. Même maintenant en service de nuit, ces mots gueulés me font froid dans le dos. Ils sortent à gorges déployées d’humains derrière des portes fermées pour aller vers d’autres gorges déployées et se répondre qu’ils existent pour se prouver à eux-mêmes qu’ils ne sont pas morts. Les cris valent mieux que le néant ou l’oubli. J’ai toujours ressenti au plus profond de mes tripes la charge émotionnelle que ces hurlements avaient. Ils vont au-delà de notre perception sensorielle. Ils se veulent la preuve de leurs vies et de la reconnaissance d’exister au sein d’un groupe.
Avec les années je suis encore étonné de ces langages beuglés de cellules en cellules, de cellule à l’extérieur. Je ne pensais pas que la voix avait une telle intensité. J’ai entendu crier 48 heures d’affilées un détenu sans avoir d’extinction de voix. Ces exhortations venant du plus profond de la gorge sont gutturales, dantesque, apocalyptiques, irréels. Ils s’adressent à d’autres détenus, mais ne s’adressent t’ils pas à eux même pour ce sentir exister. Ce sont leur brames qui les sortent de leur boite et s’évadent à leur place. J’ai toujours connu ces appels déchirant et encore plus en service de nuit. C’est une plainte un désespoir, une vie, viols de détenus étouffés. Une existence qui s’évade de ces murs pour rejoindre la liberté, mais que pouvons nous faire ?
Rien ! Mais au-delà de la personne enfermée ces râles sont autant de plaintes, d’agonies pour une vie brisée, pour les vies qui ont été broyées. Ces beuglements sont comme les fantômes des victimes qui rejaillissent pour leur dégueuler la haine du mal qu’ils ont fait. Ces exhortations persistantes ne s’arrêtant jamais sont des déchirures. Le besoin de ce sentir respirer de faire parti d’une entité. Là ils se retrouvent, entre eux et vocifèrent des mots incompréhensifs pour nous mais vitaux pour eux. Quelque que soit l’établissement, toujours des mots dégueulés jusqu’à plus soif comme autant de désespoirs. Mais dans mon imaginaire, je me dit que ce sont les fantômes des victimes qui les hantent et les fonts rugir pour expier leurs fautes. »

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