Découvrez les premiers chapitres du Livre d’or !

Chers amis,

J’espère que vous vous portez bien.

Comme promis, je suis ravi de vous offrir un accès exclusif aux premiers chapitres de mon nouveau roman, Le Livre d’or. Votre avis est très précieux pour moi, alors n’hésitez pas à partager vos impressions ; je m’efforce de répondre personnellement à tous vos messages.

Au plaisir de lire vos retours !

 » 18 décembre 1897, Massif des Carpates

Un refuge isolé. Un corps. Une mort dans des circonstances inexpliquées. 

Alexander Hartman, détective spécialisé en langues et symboles, assisté de sa fille Lucy, se retrouvent au cœur d’une enquête où les morts s’accumulent. 

Engagés dans une course contre le temps, ils découvrent que ces tragédies pourraient être liées à un ouvrage ancien et disparu, le « Livre d’Or », qui semble détenir un pouvoir terrifiant…

Sauront-ils surmonter leurs peurs les plus profondes pour résoudre cette énigme ? « 

1. LE COL DU CEAHLĂU

18 décembre 1897
Massif des Carpates

L’étau glacé de la nuit serre son emprise sur la montagne tandis qu’Alexander Hartman et sa fille Lucy s’ouvrent un chemin vers le sommet. Le souffle court dans le froid mordant, ils avancent en silence, concentrés sur la tâche à accomplir. À peine perceptible à travers les sapins et les nuages épais, la Lune jette un voile mystique sur le paysage enneigé qui les entoure. Hartman, scrutant l’obscurité naissante, serre sa boussole comme une bouée de sauvetage dans cette mer d’une blancheur infinie. Une pointe de nervosité s’insinue en lui en voyant l’aiguille osciller de manière erratique. 

Il lui semble qu’ils tournent en rond.

Le vent se lève peu à peu, chassant le silence oppressant, et de légers flocons se mettent à tomber, instillant dans l’air une fraîcheur sinistre et cristalline. Les arômes vifs des conifères et de leurs aiguilles résineuses, les effluves de terre et de mousse glacée rappellent à Hartman à quel point ils sont isolés et perdus. Mais sont-ils aussi seuls qu’ils le croient ? La sensation d’une présence indéfinissable perturbe Hartman, une présence qui semble se faufiler entre les arbres et les épier, guettant la moindre trace de leur fatigue, prête à bondir. Emmitouflée dans sa cape, Lucy lance des regards nerveux aux alentours, ses yeux reflétant l’angoisse qui monte en elle.

— N’avez-vous rien entendu ? demande-t-elle, haletante. 

— Il vaudrait mieux continuer. 

Le hurlement d’un loup monte dans la nuit, annonçant d’une note sinistre la tempête qui se prépare. L’air se charge d’une tension palpable. Ouvrant sa mallette avec précaution, Hartman récupère sa longue vue pour balayer les alentours à la recherche d’un abri, mais les flocons, désormais si denses dans l’obscurité naissante, l’empêchent de s’orienter.

— Poursuivons vers le nord, murmure-t-il, plus pour se convaincre lui-même que pour réconforter sa fille. Il nous faut à tout prix franchir le col du Ceahlău.

— Nous ne savons même pas où il se trouve… 

Il voit, au regard de Lucy et à travers ses mouvements lents, que le froid a pénétré ses membres épuisés. Les voilà à la merci de la nature sauvage, impitoyable. Un frisson parcourt son échine alors qu’il prononce des mots qui ne devraient pas être dits.

— Tu es comme ta mère, Lucy. Courageuse et audacieuse. Je sais que tu peux y arriver.

En voyant les larmes se dessiner aux coins des yeux de Lucy, Hartman comprend que cette comparaison maladroite a ouvert une brèche dans le cœur de sa fille.

Alors qu’il tente d’évaluer leurs chances, une rafale balaie son crâne, menaçant d’emporter son chapeau. Ses vêtements battent au vent, sa respiration crée des nuages qui s’effilochent dans l’air glacial. Très vite, les arbres givrés s’animent dans les bourrasques, et la neige, complice impitoyable, efface toute trace de leur passage, semant la confusion dans l’esprit de Hartman. 

Les cieux paraissent alors s’ouvrir, libérant une masse sombre et furieuse qui engloutit la montagne. Le vent, tel un souffle glacial, hurle comme une multitude d’esprits tourmentés. Les flocons tourbillonnent dans la nuit obscure, et bientôt, le firmament scintille d’éclairs éloignés, illuminant brièvement le paysage immaculé. Les sommets acérés qui les dominent tracent une fresque sinistre sous la nuit hivernale. 

Tandis qu’il cherche son chemin, le grondement lointain du tonnerre résonne comme l’éclat d’une force ancienne, annonçant la colère imminente de la nature hivernale. Paniqué à l’idée de rester ainsi exposés aux éléments déchaînés et des conséquences funestes pouvant en résulter, Hartman se décide à agir. Il étale sa carte sur le sol humide, place sa boussole en son centre pour l’orienter et prend un azimut, luttant contre les rafales qui menacent de tout emporter.

— Suis-moi ! lance-t-il à sa fille. 

Convaincu que le col se trouve au-dessus d’eux, il s’élance à travers la forêt, ses pas se prenant dans les racines, glissant sur le sol gelé.

— Père, êtes-vous certain de vouloir quitter le chemin ? demande Lucy, la voix empreinte d’inquiétude. On ne voit pas à trois pas devant nous !

Hartman balaie ses préoccupations d’un geste impatient. 

— On y est presque, j’en suis certain.

Revenant en arrière, il saisit la main de Lucy et l’entraîne, luttant contre la tempête. Un mince espoir persiste : atteindre le col leur offrirait une échappatoire. Ils pourraient redescendre le long de l’autre versant, certainement moins exposé aux intempéries. Mais que faire contre le froid, la fatigue et la peur qui l’empêchent d’y voir clair ? Plusieurs centaines de mètres les séparent de la crête, plusieurs centaines de mètres dans une épaisseur de neige croissante, sous une fatigue grandissante… 

L’orage éclate alors, s’abattant avec une véhémence redoutable juste au-dessus de Hartman et Lucy. Des éclairs zèbrent le firmament obscurci, illuminant d’une lumière crue et soudaine leurs visages crispés, tandis que les grondements de tonnerre qui suivent, presque immédiats, font trembler la terre sous leurs pieds. Le dos courbé sous le poids de son sac de voyage, une main gelée, malgré ses gants de cuir, autour de la poignée de sa mallette, Hartman se demande s’ils survivront, et son corps se met à trembler malgré lui. Les éléments semblent conspirer contre eux, cherchant à les ensevelir dans la froide obscurité de la nuit. Qu’il disparaisse serait dans l’ordre des choses, mais sa fille, si jeune, elle qui a si peu vécu ! 

Hartman ne se le pardonnerait jamais, même dans la mort. 

À mesure qu’ils gravissent la pente, leurs pieds s’enfonçant de plus en plus, leurs mouvements se faisant de plus en plus lents, la tempête semble s’intensifier, la forêt s’épaissir, et des bourrasques de neige masquent le bas des arbres et la direction à suivre. Ce que Hartman avait cru voir du col reste désespérément hors de portée. 

— Peut-être avez-vous sous-estimé la distance et la difficulté du chemin à venir ? se plaint Lucy.

Malgré les signes croissants de danger, Hartman refuse d’admettre sa propre peur grandissante. Il sait que sa fille compte sur lui, et il n’est pas question de la décevoir.

— Tant que nous montons, nous ne pouvons que nous approcher du col, insiste-t-il, la voix teintée d’angoisse.

— Avez-vous songé aux falaises ? Aux crevasses ?

Le souffle court, le cœur à l’agonie, Hartman ralentit le pas. Il jette un regard anxieux en arrière, à travers les tourbillons de neige, réalisant les conséquences possibles de sa décision de couper à travers bois. Tandis que le vent mugit avec fureur, il est assailli par des visions effrayantes : la possibilité qu’un tronc d’arbre géant s’abatte sur eux, ou qu’une avalanche les recouvre soudain. Il imagine aussi qu’ils pourraient simplement succomber à l’épuisement, vaincus par le froid implacable. L’orage semble lui susurrer que leur destin pourrait bien se sceller dans ces ténèbres glacées. Pourtant, alors qu’il se prépare au pire, alors que la montagne semble sur le point de les engloutir, une forme imposante émerge de l’obscurité. Entre les ombres de la nuit et la clarté froide de la tempête, cette forme semble flotter, suspendue entre réalité et illusion. Nichée entre un sommet enneigé et une paroi abrupte se dresse une haute bâtisse, telle une relique oubliée, les contours à peine esquissés dans la tourmente. 

Hartman cligne des yeux, certain d’avoir mal vu, mais l’édifice réapparaît à la lueur d’un éclair, dissipant ses doutes. Il lui semble apercevoir, à travers les flocons qui s’agitent en tous sens, en proie à une folie furieuse, une volute de fumée s’élevant d’un conduit de cheminée.

— Un abri ! lance-t-il, espérant de toute son âme que cette étrange structure ne soit pas un mirage.

Animé d’un regain d’énergie inespéré, il entraîne Lucy sans perdre de vue la structure imposante, qui pourrait bien être l’un de ces anciens châteaux fortifiés qui parsèment les Carpates, érigés il y a des siècles par des nobles valaques luttant contre l’envahisseur ottoman. 

La bâtisse, témoin silencieux de siècles révolus, semble enveloppée d’une aura d’attente et de mystère, comme si elle guettait depuis longtemps l’arrivée de deux voyageurs égarés. 

Les arbres qui l’entourent s’inclinent en signe de respect ou peut-être de crainte. 

2. LUEUR DANS LA NUIT 

Hartman serre fermement la main de Lucy, les guidant tous deux à travers le vent glacial et les flocons qui tissent un voile de brume énigmatique autour d’eux.

Une gorge étroite serpente à travers la forêt, menant à une imposante bâtisse à trois étages qui se dévoile  à leur approche. Les toits en pente, drapés dans une épaisse couche de neige, dessinent une mosaïque immaculée et complexe de laquelle émergent des épis de faîtage sculptés, dominés par un donjon pointu, visiblement délabré. Le vent s’engouffre à travers les moulures et les fissures des pierres, émettant des sifflements étranges et des craquements intermittents. Les arcs-boutants et les fenêtres en ogive semblent frémir à chaque rafale. Des gargouilles sculptées, couvertes de neige, jaillissent des corniches comme des gardiens silencieux, tandis que des figures torturées tentent de s’arracher aux profondeurs ténébreuses des bas-reliefs anciens, témoins du passage du temps. La tempête, telle une symphonie déchaînée, enveloppe le tout dans une danse tourbillonnante et intangible.

Hartman garde les yeux rivés sur la façade, craignant de la perdre dans l’épaisseur du blizzard. Que serait-il advenu s’il ne l’avait pas vue ? Épuisé à l’extrême, il est convaincu qu’il aurait cédé au désespoir sans Lucy à ses côtés. Mais il se force à avancer, un pied devant l’autre, coûte que coûte, en direction de cet abri inespéré, malgré une étrange impression que des yeux les scrutent depuis les fenêtres closes, que des formes les épient derrière les volets entrebâillés.

Leur progression est ponctuée par d’étranges détails : un cimetière enchevêtré d’ombres et dominé par une stèle haute et sombre, une vieille chapelle aux murs décrépits, d’où émerge une silhouette féminine appuyée sur un bâton de marche, attirant son attention. La silhouette, dos à eux, semble ignorer leur présence, concentrée sur son chemin. Elle traverse la cour de la bâtisse, pousse la porte et disparaît à l’intérieur sans jamais se retourner. 

Après une brève hésitation, Hartman ouvre la porte vermoulue de la chapelle et une odeur lourde s’empare de ses sens. Un mélange subtil de cire brûlée et d’encens, imprégné dans les vieux murs de pierre, flotte dans l’air stagnant. Une senteur qui évoque des rituels anciens et des prières murmurées il y a des siècles, mêlée à une légère fragrance métallique, rappelant celle de l’humidité sur des objets en fer forgé. 

Hartman sent sa fille frémir à ses côtés. Il suit son regard et son cœur se serre en découvrant le corps d’un jeune homme au visage à moitié écrasé, allongé sur l’autel dans une expression de terreur éternelle.

Tous deux restent immobiles, figés dans le silence des lieux. 

— Êtes-vous certain de vouloir rester dans cet endroit ? demande Lucy, visiblement mal à l’aise.

— As-tu déjà oublié la tempête ? rétorque Hartman, tentant de masquer son propre trouble en scrutant les armoires autour du chœur, emplies d’onguents, de récipients divers et de parchemins roulés.

La jeune fille commence à trembler.

— N’aie pas peur, Lucy. Il doit y avoir une explication rationnelle à ce que nous voyons ici.

Malgré ses mots, une lourde appréhension pèse sur Hartman alors qu’ils reprennent leur chemin vers la cour.

La lueur vacillante des fenêtres devant eux crée des reflets spectraux à travers les tourbillons de neige, qui, ajoutés à la fatigue, donne à l’endroit une dimension presque irréelle. La bâtisse semble suspendue entre deux mondes, tiraillée entre la quiétude intérieure et la furie déchaînée de la nature qui l’entoure. La lourde porte d’entrée, encadrée par un robuste linteau de pierre, leur offre un abri temporaire derrière la cour carrée, occupée en son centre par une margelle de puits et entourée de hauts murs.

Hartman serre sa fille contre lui et frappe sur le bois. Une voix caverneuse lui dit d’entrer. 

La porte grince lorsqu’il la pousse, révélant une obscurité insondable, libérant un souffle chaud à l’odeur de poussière qui contraste avec la morsure glaciale du dehors. Des notes de bois vieilli et de pierre humide flottent dans l’air alangui. Isolé dans son sanctuaire montagneux, l’édifice semble avoir absorbé des siècles de secrets, profondément gravés dans les murs de pierre brute.

Hartman retire son chapeau, secoue la neige de ses longs cheveux sombres et de son manteau avant de refermer la porte derrière eux, ce qui produit un crissement lugubre, comme le murmure d’une entité millénaire. L’endroit est étrangement calme. Le crépitement du feu dans l’âtre est le seul son qui leur parvient à travers le silence pesant.

— Enfin à l’abri… murmure Hartman en se tournant vers sa fille.

Lucy jette un œil autour d’elle. 

— Cet endroit me donne la chair de poule. Comme s’il avait une histoire cachée.

— Sans doute, ma chérie, sans doute. Chaque bâtisse ancienne a son histoire. Espérons que nous pourrons passer la nuit ici. Demain, nous trouverons notre chemin avec nos cartes et la boussole.

Un étrange malaise oppresse le cœur de Hartman tandis qu’il traverse le vestibule et décale un lourd rideau. Dans la pièce qui leur fait face, un homme trapu, aux muscles saillants sous son gilet usé, s’arrête de balayer pour les observer. Son regard, empreint d’une curiosité intense, perce l’obscurité environnante, exacerbant le sentiment d’Hartman d’être épié. Sa longue chevelure grisonnante fusionne avec une barbe touffue, encadrant son visage buriné.

Un chien à la fourrure blanche et épaisse s’approche d’eux en aboyant, comme s’il désirait les chasser, puis s’arrête en voyant Lucy se mettre à genoux devant lui. 

— Que faites-vous ici ? demande l’homme.

— Nous nous sommes égarés. Serait-il possible de rester pour la nuit ?

Intrigué, le chien remue la queue et s’avance pour humer les mains tendues de Lucy. Rassuré, il se laisse doucement caresser, fermant les yeux sous les gestes affectueux de la jeune fille.

— Il reste encore quelques chambres libres, déclare l’homme en soupirant, si vous n’êtes pas trop regardants. Leopold, le gardien du refuge, est très fatigué en ce moment, mais il devrait finir par descendre. 

Hartman se tourne vers sa fille. Voilà donc la fonction de cette bâtisse : un refuge de montagne. 

— Pourquoi ce refuge ne figure-t-il pas sur les cartes de la région ? interroge-t-il.

— Ce refuge ne figure pas sur toutes les cartes, répond l’homme. On lui préfère généralement Dochia, Fântânele ou Izvorul Muntelui, même si ce ne sont que des cabanes. 

— Quelle est la différence entre un refuge et une cabane ? intervient Lucy. 

— Les cabanes sont souvent plus petites et plus rudimentaires que les refuges, explique son père. Elles disposent d’équipements limités : un poêle à bois pour se réchauffer, quelques matelas disposés au sol, avec parfois une source d’eau à proximité. Elles sont généralement utilisées par des bûcherons ou des chasseurs comme abris temporaires pendant de courtes périodes. Les refuges comme celui-ci offrent un hébergement plus organisé et confortable pour les voyageurs en montagne, mais ils sont payants.

— Vous avez vraiment eu de la chance, remarque l’homme avec un sourire en coin. Les orages peuvent être féroces ici, et il y a toujours des animaux sauvages aux alentours… Vous n’en avez croisé aucun, j’espère ?

— Aucun, autant que je sache, répond Hartman, préférant ne pas mentionner son impression persistante d’avoir été suivi.

— Les animaux nous détectent bien avant qu’on ne les voie, poursuit l’homme, pensif. Lorsqu’ils surgissent, il est généralement trop tard.

Ses gestes sont lents, empreints de mystère. Il porte un poignard à sa ceinture, et son regard reflète une méfiance profonde à leur égard. Hartman se force néanmoins à rester souriant.  

— Au fait, nous ne nous sommes pas présentés… Je m’appelle Alexander Hartman, et voici ma fille Lucy. 

— Gunther, répond laconiquement leur interlocuteur. 

La salle qu’ils occupent, sans doute la pièce principale du refuge, s’articule autour d’une cheminée ancienne ornée de sculptures recouvertes de suie. Les flammes jettent sur les dalles du sol des ombres allongées et mouvantes. Autour du foyer,  sur un tapis ancien, ont été disposés des fauteuils aux coussins élimés, marqués par des brûlures. Un vieux chat les observe d’un regard mesuré, allongé dans une corbeille d’osier. 

Au centre de la pièce trône une longue table de bois massif, érodée par le temps et les usages, flanquée de bancs portant de nombreuses marques de passage. La lueur vacillante des bougies qui la recouvrent n’offre qu’un maigre rempart aux ténèbres qui rôdent, mais l’odeur de cire fondue qui s’en dégage apporte une touche chaleureuse, presque réconfortante. 

Un escalier de bois sombre, s’élevant le long d’un mur de pierres massives aux teintes vives, mène aux étages supérieurs. Un assortiment de meubles anciens – étagères, commodes, coffres –, imprègne le lieu d’une atmosphère rustique, empreinte de dignité. La tempête extérieure, visible à travers de petites fenêtres drapées de lourds rideaux, contraste avec le feu qui les réchauffe en crépitant, conférant à l’espace une qualité presque surréaliste.

— Mettez vos manteaux à sécher près du feu, propose Gunther.

Hartman soulage ses épaules du poids de son sac de voyage et dépose sa mallette sur le sol, qui résonne dans l’espace silencieux. Il fait signe à sa fille de se rapprocher de l’âtre tandis que Gunther se démène, balayant le sol avec un zèle teinté de nervosité, avant de déposer leurs affaires sur un fauteuil pour qu’elles sèchent auprès du feu.

Une porte s’ouvre alors, révélant une femme qui les accueille avec un sourire chaleureux, un sac de pommes de terre dans les mains. Elle est habillée d’une robe simple mais impeccable, et son attitude bienveillante dénote avec l’ambiance froide et énigmatique de la bâtisse, offrant aux voyageurs un apaisement instantané. 

— Je suis Ludmilla, déclare-t-elle.

Hartman ne peut détacher les yeux de cette femme ronde aux joues roses.

— Lucy et Alexander Hartman. Enchanté de faire votre connaissance. 

— Pardonnez cette question, mais l’un de vous deux est-il malade ? On n’est jamais assez prudent avec ce mauvais temps…

— Pas que je sache, répond Hartman. 

— Très bien. Voulez-vous vous laver les mains ? propose Ludmilla en désignant un seau de bois ainsi qu’un morceau de savon. 

Hartman la contemple un instant, surpris par ces étranges questions. D’ordinaire, les montagnards ne se préoccupent pas plus de l’hygiène et de la maladie que de la mode des chapeaux à la cour de Carol Ier. Acceptant ce rituel inhabituel et bienvenu, il gagne la cuisine, composée d’un évier en pierre de taille, d’un poêle à bois sur lequel fume un chaudron et de hautes armoires emplies d’herbes et de denrées. Tout en se lavant les mains, il admire les tresses d’ail et les bouquets d’herbes aromatiques suspendus aux étagères. Des fragrances piquantes et terreuses imprègnent l’air, ajoutant une note subtile à la symphonie d’odeurs culinaires qui s’entrelace dans ses narines, faisant gargouiller son estomac. Le mélange d’herbes, de pain fraîchement cuit et du plat qui mijote lui fait presque oublier qu’ils ont frôlé la mort de peu. La qualité des produits et le niveau de propreté le surprennent tellement qu’il en oublie de donner le savon à Lucy.

— Laissez-moi préparer la viande et je vous montrerai votre chambre, déclare Ludmilla en les invitant à sortir. 

Lucy prend place sur l’un des fauteuils face à la cheminée, et caresse les animaux venus lui renifler les doigts. 

— Le chien s’appelle Sergei et la chatte Masha, explique Ludmilla depuis la cuisine. Un vieux monsieur et une vieille fille, comme moi. 

Masha se met à ronronner. 

— Sergei était le dernier d’une portée de quatre chiens de traîneau, poursuit la voix éloignée de Ludmilla. Ces chiens étaient les compagnons de Leopold et de Gunther lorsqu’ils devaient se rendre dans la vallée pour des courses ou d’autres affaires importantes. Ils étaient incroyablement utiles pour transporter des provisions, du matériel et même des messages à travers les montagnes enneigées.

— À quoi ressemblaient ces chiens ? Étaient-ils grands et forts ? interroge Lucy, intéressée.

Ludmilla passe la tête par l’ouverture de la cuisine, un large sourire aux lèvres.

— Oh oui, ils étaient impressionnants. Des créatures puissantes, avec des yeux vifs et une énergie inépuisable. Leurs aboiements pouvaient s’entendre à des kilomètres à la ronde, annonçant l’arrivée des hommes et chassant les loups qui rôdaient.

— Pourquoi ne reste-t-il que Sergei ? poursuit Lucy tout en flattant le museau de ce dernier.

Ludmilla répond d’une voix empreinte de tristesse.

— Eh bien, ma chère petite, la vie dans les montagnes peut être impitoyable. Les autres chiens ont rencontré des destinées tragiques au fil des ans. Sergei est le dernier survivant, et son regard semble parfois refléter toute la nostalgie des temps passés.

Hartman remarque la présence d’une antique horloge de bois dont il n’avait pas encore remarqué la présence. Les aiguilles, qui pointent des chiffres romains partiellement effacés, indiquent bientôt dix-neuf heures. Il remarque qu’elles vacillent de façon irrégulière, et que le tic-tac parfois rapide et saccadé, parfois lent et pesant, résonne de manière étrange, comme si le temps lui-même hésitait à avancer.

— Un accident est-il arrivé ici ? demande-t-il en se tournant vers Gunther.

Gunther reste silencieux, le visage fermé.

— Un homme a péri, d’après ce que nous avons vu, insiste Hartman. Que s’est-il passé ?

— Karl est tombé en réparant le toit, répond Gunther, la voix teintée d’une tristesse contenue. L’endroit est dangereux pour les chiens comme pour les hommes.

— Je comprends, répond Hartman. Et cette femme que nous avons vue sortir de la chapelle en boitant, qui est-elle ?

— Irina Popescu, réplique Gunther. Elle est le seul médecin du coin, dit-il avant de lui tourner le dos.

L’étrange comportement de Gunther questionne Hartman. Il le voit jeter un regard effrayé à travers les fenêtres, comme s’il craignait les forces déchaînées de la nature, les échos menaçants des hurlements de loups, ou l’angoissante possibilité que le défunt puisse revenir les tourmenter.

De retour au coin du feu, Hartman sourit néanmoins à sa fille avant de l’entourer de ses bras pour la réchauffer. Chassant ses questions, il tente de savourer ce moment de calme uniquement perturbé par le crépitement du feu et les hurlements du vent.

3. LE GARDIEN

En montant vers le premier étage, Hartman et Lucy perçoivent un changement dans l’air – une fraîcheur qui contraste avec la chaleur du rez-de-chaussée. L’escalier craque sous leurs pas, et les couloirs du premier étage, tels des chemins s’enfonçant dans les profondeurs du temps, dégagent des odeurs de terre, de poussière et de bois. Les recoins des plafonds portent une fragrance plus mystérieuse encore, comme si d’anciens secrets y étaient enfouis.

Alors qu’ils suivent Ludmilla, qui les conduit à leur chambre une bassine sous le bras, Hartman s’émerveille devant les cadres de paysages à la peinture écaillée et les boiseries ouvragées qui ornent certaines portes. Par moments, son regard se perd dans la pénombre insondable d’un couloir. La lanterne de Ludmilla dévoile des passages qui semblent s’étendre bien au-delà de l’idée qu’il s’était faite du refuge. Une architecture ancienne et déroutante, aux murs penchés, aux corridors étroits et sinueux évoquant les entrailles d’une créature millénaire.

— La complexité de la bâtisse, explique Ludmilla, entraîne de grandes disparités de température et d’humidité entre les diverses ailes. La partie de l’édifice située directement au-dessus de la salle principale bénéficie de la chaleur sèche de l’âtre, tandis que d’autres zones plus éloignées, avec des fissures ou des vitres brisées, ont dû être abandonnées. 

Les couloirs, éclairés de loin en loin par quelques chandeliers, révèlent des parois en pierre brute qui semblent se resserrer sur eux à mesure qu’ils progressent. Les bougies créent des ombres qui s’étirent comme des griffes le long des murs, et des portes dérobées semblent apparaître et disparaître au gré de leurs déambulations, ajoutant à la confusion ambiante. Hartman scrute les chambres laissées entrouvertes, à l’intérieur masqué par des draps poussiéreux garnis de toiles d’araignée. Ils longent une vaste salle aux plafonds hauts, où les fresques autrefois majestueuses et les dorures écaillées des ornements témoignent d’un faste révolu. Les peintures murales, pâlies et craquelées, semblent pleurer leur splendeur passée, érodée par le temps. Chaque pièce semble exhaler un parfum distinct, imprégné de siècles d’histoire, tandis que des souffles glacés s’exhalent de couloirs inexplorés.

Ludmilla pose une main sur l’épaule de Hartman, ses yeux pénétrants cherchant les siens dans la pénombre du couloir.

— Vous semblez perdu, Monsieur Hartman. Ne vous en faites pas, c’est le propre de cette demeure. J’ai moi-même l’impression de la redécouvrir à chaque instant !

Hartman, légèrement désorienté, fronce les sourcils. 

— Comment ça, redécouvrir ?

La cuisinière esquisse un sourire énigmatique, son regard se perdant un instant dans les ombres dansantes. 

— Cet édifice, bâti il y a des siècles, a été modifié au gré des âges. Avant de devenir ce refuge, c’était un fort, qui a finalement été détruit.

Intrigué, Hartman plisse les yeux. Un fort signifierait une origine remontant au moins au XIIIe siècle, une époque où les constructions militaires foisonnaient dans les Carpates.

— Pourquoi le fort a-t-il été détruit ? 

— Une bataille, je suppose, ou alors la foudre, lors d’un orage comparable à celui qui est en train de s’abattre sur nous. Un incendie l’a ravagé, comme l’attestent les traces de suie dans l’ancienne tour de garde, là-haut. 

— Y avait-il quelque chose avant ce fort ? insiste Hartman.

— Vous avez l’âme d’un enquêteur, Monsieur Hartman, s’amuse Ludmilla avec un sourire malicieux. Seriez-vous détective ?

— D’une certaine manière, oui.

— Et que cherchez-vous à élucider ?

— Les mystères que la raison humaine ne peut percer.

— Fascinant, répond Ludmilla, je n’aurais jamais imaginé qu’un tel métier puisse exister…

— Il existe tant que quelqu’un a besoin de mes services, ajoute Hartman.

— Et ces services sont-ils souvent requis ?

— J’ai une petite notoriété, dans la région où nous vivons. Cela nous suffit pour vivre.

— Mon père est trop modeste, intervient Lucy. Chez nous, c’est une sommité !

— Allons, Lucy, n’exagère pas, tempère Hartman.

La cuisinière rit. 

— Vous n’avez pas répondu à ma question, ma chère, reprend Hartman en baissant la tête pour éviter de se cogner à une poutre. 

Il a l’impression de ressentir, à travers le plancher sous ses pieds, un contact avec un monde ancien.

— Je crois que le fort lui-même était bâti à l’emplacement d’un autre édifice, mais il vaudrait mieux demander à Siegmund, qui est un érudit, ou à Leopold lui-même, dont la mémoire est excellente malgré son âge avancé.

Une gargouille, au mur, les suit des yeux telle une créature fantomatique, et Hartman croit entendre, en la croisant, d’étranges échos venant de nulle part, comme un murmure du passé, comme si les murs eux-mêmes voulaient communiquer.

— Et quelle fonction occupe Gunther ? interroge-t-il, soucieux d’en apprendre plus. 

— Il est à la fois chasseur et bûcheron…

Hartman tente de se représenter la vie au refuge, entre Gunther, le chasseur-bûcheron, Leopold, le gardien, Siegmund, l’érudit, Ludmilla, le Docteur Popescu et peut-être d’autres inconnus qui peuplent les lieux. Son regard se perd dans les ombres des recoins, laissant libre cours à son imagination quand un cadre, au mur, capte son attention. Il dépeint un sentier sinueux traversant une forêt sombre, presque impénétrable. Plus loin est accrochée une série de portraits.

— Les anciens gardiens du refuge, explique Ludmilla. Ils se succèdent depuis plus de quatre siècles. Leopold est le dernier d’entre eux. 

— Gunther nous a fait comprendre qu’il n’est plus en très bonne santé, précise Hartman. Quelqu’un va-t-il prendre la relève ? 

— Pas que je sache, répond-elle d’un air triste. L’endroit ne fait pas rêver les foules. 

En examinant ces visages figés dans le temps, Hartman se demande ce qui a poussé ces hommes à choisir cette vie solitaire, recluse, éloignée de toute forme de civilisation.

Parvenus à la chambre n°3, Ludmilla dépose la bassine qu’elle tenait en ses mains et allume une lampe à huile. Hartman constate que l’austérité du lieu tranche avec la douceur des fauteuils disposés autour de la cheminée de la salle commune. Deux matelas rudimentaires au confort spartiate, disposés sur deux planches de bois, un bureau muni de deux tabourets, une armoire, un tapis troué ainsi qu’une minuscule fenêtre enfoncée dans l’épaisseur d’un mur sombre, parcouru de motifs évoquant des grilles ou des barreaux. 

Ludmilla dispose un bouquet de fleurs séchées sur la petite table, comme si elle cherchait à adoucir l’ensemble, qui sent la poussière et de renfermé, avec des notes de bois de charpente.

— Cette chambre vous convient-elle ?

Hartman jette un regard interrogatif à sa fille, conscient de sa claustrophobie.

— Ça ira tant que nous ne fermerons pas les volets, répond Lucy après avoir minutieusement exploré les lieux.

Ludmilla, satisfaite, ouvre l’armoire et en sort des draps, couvertures et serviettes aux odeurs d’herbes de montagne. Hartman la remercie avec chaleur. 

— En hiver, nous lavons les vêtements dans la cuisine et les faisons sécher près de la cheminée, explique-t-elle. D’habitude, nous utilisons l’eau du puits que nous chauffons sur le feu pour nous laver, mais puisque le puits est gelé en ce moment, il faudra faire fondre de la neige. Je vous ai laissé la bassine pour que vous puissiez vous rafraîchir le visage et les mains. Avez-vous des questions ?

— Pas pour le moment, répond Hartman, mais ça viendra sûrement plus tard. Merci.

Tandis que la cuisinière disparaît en fermant derrière elle, il avise un portrait ancien, sombre et usé, disposé dans un coin de la pièce. L’œuvre dépeint un visage drapé dans un linceul, les orbites vides et l’expression étrangement sinistre.

— Quelle horreur, fait-il. 

— Vous n’avez qu’à accrocher votre chapeau dessus, suggère Lucy.

Ce qu’il fait, séduit par cette idée, avant d’ouvrir la fenêtre pour aérer, constatant que les flocons tombent toujours. Puis, il dépose sa mallette avec soin près de sa tête de lit et déballe leurs affaires encore trempées. Après avoir mis les vêtements à sécher sur des cintres, il distribue à Lucy son nécessaire de broderie et ses précieux livres d’étude, parmi lesquels « Archaeologia Hungarica », de Ferenc Kubinyi, « Antiquités Celtiques et Antiques », de Jean-François Perrot et « Histoire de l’art égyptien », de Gaston Maspero, que la jeune fille commence à feuilleter comme si elle avait attendu tout le voyage pour s’y plonger.

Une fois les lits faits, Hartman gagne la fenêtre et inspecte les environs. Leur chambre donne sur la cour du refuge, traversée il y a peu. Le vent s’y engouffre en mugissant, faisant battre une trappe de bois qui surplombe le vide béant de la falaise attenante à la bâtisse.

— À quoi sert cette trappe ? interroge Lucy.

— Certainement à déverser les ordures. 

L’obscurité prédomine, et l’orage gronde toujours sur le cimetière à l’énigmatique stèle. Durant quelques instants, Hartman se demande de quelle époque date ce bloc de pierre et quelle a pu être son utilité. 

— Fermez, père, il fait froid. 

Hartman s’exécute. Il ouvre sa mallette, révélant une collection d’artefacts étranges qui brillent à la lueur de l’unique lampe à l’huile. Alors qu’il vérifie ses instruments, un bruit à la porte interrompt leur quiétude. Hartman dissimule précipitamment ses objets avant d’ouvrir.

Un vieil homme à demi aveugle, aux yeux étrangement perçants, se tient debout face à lui, drapé dans des étoffes sombres, la moitié du visage cachée derrière une barbe hirsute. Une aura de sagesse ancienne émane de toute sa personne. Son regard, perçant et profond, semble sonder l’âme d’Hartman, cherchant peut-être à lire des réponses dans ses yeux fatigués. 

Hartman s’écarte pour laisser passer celui qu’il devine être le gardien.

— Bienvenue au refuge du Ceahlău, déclare ce dernier après avoir brièvement inspecté les lieux. 

Une note subtile mais distincte d’odeur caractéristique de la vieillesse accompagne ses mouvements. 

— Puis-je connaître les raisons de votre venue ? 

— Nous nous rendons à Paiera Teiului, sur le lac Bicaz, indique Hartman.

— Les Rencontres de l’occulte… susurre le vieillard.

Hartman ne peut dissimuler sa surprise. 

— Vous connaissez ?

— Naturellement, répond Leopold avec une pointe de nostalgie. Dans ma jeunesse, j’étais passionné par ces phénomènes et je m’y rendais chaque année. Avec le temps, cet intérêt s’est estompé, comme beaucoup d’autres passions. Que cherchez-vous là-bas ?

— Des réponses, indique Hartman. Des réponses sur l’Au-delà. 

— L’Au-delà nous fascine tous, approuve Leopold. Certaines choses, pourtant, ne sont pas faites pour être approchées. L’homme se laisse trop souvent guider par sa peur ou sa curiosité. Il faut laisser le monde tel qu’il est, voyez-vous, ne pas jouer avec lui en se prenant pour Dieu.

— Je suis d’accord sur le fait qu’il faut se montrer prudent. 

— L’homme n’est pas plus prudent que respectueux, grimace Leopold, dont les yeux ternes se posent à présent sur Lucy. Il est avide, curieux, il veut tout maîtriser, surtout depuis l’invention de la photographie, du téléphone et de l’ampoule électrique, qui heureusement ne sont pas encore arrivés jusqu’à nous. Comment peut-on croire que l’on peut figer le temps, traverser l’espace ou éclairer la nuit ?

Hartman, peu enclin à débattre des mérites des récentes innovations technologiques avec Leopold, choisit d’orienter la conversation vers un sujet plus sensible.

— Nous avons appris la tragédie qui vous a touché récemment… 

Leopold fait un pas en arrière, surpris.

— Le décès de ce pauvre Karl vous intéresse-t-il à ce point ? 

— Nous aimerions simplement comprendre ce qui s’est passé, explique Hartman. Si nous pouvons vous aider de quelque manière que ce soit…

— En quoi cela vous concerne-t-il ? réplique Leopold d’un ton à la fois triste et irrité.

Un lourd silence s’installe tandis que Hartman cherche ses mots. Lucy intervient avec un sourire conciliateur.

— Veuillez pardonner mon père, qui est naturellement curieux et enclin à l’investigation. Je vous en prie, n’y voyez rien de mal, au contraire. Il s’agit plutôt pour lui d’appliquer ses compétences analytiques, de démystifier les circonstances entourant cet événement. Mon père a toujours été obsédé par la recherche des réponses entourant la vie et la mort. 

Les mots de Lucy semblent adoucir l’attitude de Leopold.

— Je comprends que vous puissiez vous poser des questions, concède ce dernier, mais vous devez réaliser que nous sommes en deuil, ici. La mort ne se borne pas à un simple sujet d’étude.

— Je vous présente mes excuses si je vous ai paru insensible, répond Hartman avec sincérité.

— Les accidents sont malheureusement fréquents dans de pareilles conditions, indique Leopold après un bref silence. Raison pour laquelle il faut vous montrer prudent. Surtout avec cette jolie rose printanière qui vous accompagne. Les roses sont peu faites pour les rigueurs de la neige et du gel.

Lucy, visiblement mal à l’aise, courbe la tête en signe de remerciement. Le vent fait battre les volets contre la façade. 

— La mort a semé un malaise dans le refuge, déclare Leopold d’une voix triste. Cela fait des années que nous n’avons pas été confrontés à cela. Je vous demande d’en tenir compte.

Hartman hoche la tête en silence. 

Les formalités s’ensuivent, avec la signature d’un document officiel et l’encaissement pour la nuit. Des milliers de questions brûlent les lèvres d’Hartman, mais l’autorité naturelle de Leopold et sa réaction à ses questions le met en garde contre toute interrogation pouvant être jugée excessive. 

Ils ne peuvent prendre le risque de passer la nuit dehors.

J’espère que ces premiers chapitres vous ont plu et ont éveillé votre curiosité. J’attends avec impatience de vous retrouver le 16 mai pour la sortie officielle du roman et de partager ensemble ce moment tant attendu.

Au plaisir de vous y voir nombreux,

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